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LE MESSIE DU PEUPLE CHAUVE

ou le compositeur et les sortilèges

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Mené du début à la fin à un rythme tendu, virevoltant en diable, l’œuvre  d’Eric Breton se déroule en vingt-et-une scènes où se succèdent, et vont jusqu’à fusionner, la gravité la plus intériorisée et le burlesque le plus expansif. Nous prenons part à une incessante bataille, elle n’admettra aucun vainqueur, entre Apollon et Dionysos, entre rigueur et désordre (celui de la vie), entre parfaite mesure (jusqu’au sens musical du mot) et démesure. D’une clarté toute ravélienne, il y a pires influences, et faisant jeu strictement égal avec les paroles (la prosodie s’avère d’une souveraine lisibilité), la musique invente toutes les formes, les harmonies et nuances requises pour soutenir actions et mouvements affectifs qui sont l’essence même de l’opéra. Le compositeur n’hésite pas à flirter avec la comédie musicale voire à pleinement recourir aux formules romantiques (mais magistralement décalées). Plus qu’à son tour il parvient maintes fois à nous envoûter, nous offrant un lyrisme de la plus haute tenue et qui ne cède jamais à la facilité mélodique. En bref, nous sont données avec Le Messie du Peuple Chauve l’unité dans l’efflorescence, la cohésion dans l’infinie variété des sons et des sentiments qui leurs sont intrinsèquement liés.


À la fois drame et comédie, touchant ainsi à la tragi-comédie shakespearienne, opposant ombres (tragédie absolue) et lumières satyriques, instants de fusion et de séparation, quoiqu’un lien subsiste toujours, entre paroles et musique, Eric Breton a selon nous parfaitement réussi à illustrer ce qu’est le paradoxe constitutif de l’être humain : le monde m’appartient et en même temps j’en suis radicalement séparé, je suis à la fois tout-puissant et impuissant face aux autres et à la nature.

Du total divertissement à la plus profonde édification, bousculés entre illusion et désillusion, nous roulons d’un bout à l’autre sur la pente qui mène au désastre ou à l’enchantement. L’issue n’appartient qu’à nous...


Philippe André

AVANT-PROPOS

par Philippe André

Riche d’une histoire à la complexité sans pareille, l’opéra, forme majeure et magique de la musique occidentale, compte déjà plus de quatre siècles depuis sa naissance. C’est dire les innombrables et épineuses questions auxquelles se trouve confronté tout compositeur qui décide d’apporter sa pierre à l’édifice quasi babélien. Objet de batailles acharnées, de l’atonalité au néo-classicisme, quel langage musical choisir en ces premières décennies du XXIème siècle ? D’abord les paroles et puis la musique, ou l’inverse ? Dans l’ère si inquiétante du post-modernisme, quel message porter (s’il y a lieu) ? Doit-on être tragique ou bien comique ? Faut-il bâtir immense ou opter pour la concision la plus minimaliste ?...

Eric Breton, qui ne s’est dérobé face à aucune de ces questions, a d’abord décidé, chose inédite, d’écrire un opéra traitant du problème sans doute le plus épineux qui se pose aujourd’hui à la planète : notre désastre écologique. Pour cela il a adapté lui-même le roman et la pièce de théâtre Le Messie du peuple chauve d’Augustin Billetdoux, textes ô combien singuliers.

À vingt-cinq ans, Simon, atteint de calvitie, se replie sur lui-même jusqu’à ce qu’il découvre être né à partir d’un don. Il est le « Fils de l’Humanité ». Attirant autour de lui un petit groupe de fidèles, il comprend peu à peu que le mal dont il souffre, ainsi que bien d’autres humains, n’est que l’une parmi les nombreuses et déplorables manifestations d’un dérèglement climatique croissant : déforestation et calvitie relèvent d’une origine commune. Simon imagine alors qu’il doit réaliser quelque chose d’inouï. Ainsi devient-il le Messie du peuple chauve dont la mission sera en même temps de reboiser l’âme humaine et la planète... La suite ne sera dévoilée qu’au cours du spectacle.

 

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Philippe André est psychiatre, psychanalyste, musicien et écrivain.

Il est l’auteur d’ouvrages sur Franz Liszt comme « Les années de pèlerinage » (2008) ou « Nuages gris, le dernier pèlerinage de Franz Liszt » (Le Passeur, 2014), ainsi que de nombreux textes sur l’art, la musique et les sciences humaines.


Il a également publié « Robert Schumann, folies et musiques »,  « Les deux mages de Venise » (2015) est son premier roman duquel l’auteur a tiré une pièce de théâtre.


En 2018, il a publié « Moi, Vincent Van Gogh, artiste peintre », roman où il permet d’entendre la voix de Van Gogh, de l’écouter s’adresser aux autres comme à lui-même.

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