Bien que l’histoire soit clairement inspirée de celle du massacre des Moines de Tibhirine en 1996, le sujet est traité en dehors de toute référence précise (époque, lieu, religion). Le discours porte sur les oppositions éternelles : soumission forcée/soumission consentie, amour/haine, mort et résurrection.
Dans un monastère isolé, des moines veillent et prient. Les scènes 2 à 5 voient trois des personnages majeurs se répondre sans vraiment se rencontrer. La servante rapporte des évènements inquiétants qui semblent se rapprocher et annoncer un dénouement tragique. Le novice commente cette montée inexpliquée de violence, évoluant de l’abattement à l’incrédulité, puis de la supplication à la révolte. Le prieur s’interroge sur la décision à prendre.
A l’invitation du prieur, 3 moines relatent les évènements qui les ont conduits à choisir la vie monastique (scènes 6, 8 et 9). L’exemple et l’admiration pour le premier, la métamorphose de l’amour terrestre en amour mystique pour le second, la rédemption pour le troisième. Les scènes 7 et 10 amplifient la tension entre un extérieur de plus en plus menaçant et un intérieur qui cherche une voie de salut. Le premier acte se termine sur des aveux douloureux. Hésitation pour le prieur, résignation pour le novice.
Trois femmes (Parques ? Nornes ? Anges ?) commentent la situation en reprenant presque mot pour mot les proclamations de la scène 1. Leur intervention suspend l’évolution du temps. La fébrilité du premier acte fait place à un étirement des durées, porté par le traitement musical. Les moines décident d’affronter sans crainte leur destin, fidèles à leur vœu. Cette fidélité les conduit de servitude à liberté, suivant les pas d’une Fraternité millénaire. Le novice prononce ses vœux, il est transfiguré par l’exemple du courage de ses frères. Leur sacrifice ne sera pas vain, l’un d’entre eux portera le germe d’un monde nouveau.
Les dernières paroles sont celles du dernier vers de la Divine Comédie « l’Amor che move il sol e l’altre stelle ».
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Le Soleil et les autres étoiles (Démo)
On en parle...
Sylvie Nicephor, Soprano, Pianiste, Musicologue
Cet opéra s'écoute... et se réécoute. Le sujet choisi touche directement un très grand nombre de nos contemporains. Car nous avons été sensibles au destin des Moines de Tibhirine...
Le livret est parfait de par la beauté et le sens des textes, l'agencement, la bonne longueur. La succession des scènes nous plonge dans le déroulement du drame et les questionnements, sans perte d'intérêt ni d'attention.
Je dois vous féliciter pour votre écriture musicale, avec des harmonies colorées qui soulignent bien les atmosphères. Une orchestration réussie et efficace, transparente, sans tentative d'effet superflu (défaut courant).
En tant que soprano, je peux vous dire que votre écriture vocale est très maîtrisée, laissant entendre les textes dont vous épousez très bien la rythmique propre, la prosodie, respectant les voix et les valorisant à travers des mélodies attractives.
Si l'opéra fait la part belle aux solistes (en adéquation avec le livret), les très beaux chœurs retiennent toute notre attention, en particulier celui de la scène 13.
De par son effectif et sa durée, cet opéra bien conçu pour le contexte actuel (il ne requiert pas de moyens exceptionnels) a de grandes chances d'être programmé, mais bien sûr, tout dépend du goût et des orientations des directeurs de théâtre…
Il reste très "français" de par la langue évidemment, mais aussi par la transparence, l'équilibre et une écriture raffinée qui nous plongent dans une ambiance monastique (dépouillement, méditation, intériorité) qui reste permanente en dépit du sort cruel qui attend ces moines (état de grâce?).
Je reste convaincue du rôle et de l'impact que peuvent avoir les musiques sacrées et les musiques aux thématiques liées au sacré dans l'espace contemporain
Natalia Di Bartolo, Musicologue, critique
Je suis vraiment enchantée. C'est une œuvre magnifique. Très française, mais absolument originale : elle a des racines très solides. Je suis très impressionnée, tout d'abord, par la cohérence de l'opéra, qui n'a pas d'aspérités, mais qui est conçu comme un seul produit poétique et musical. En tant qu'auteur du livret, Eric Breton manie la musique avec brio, car elle exprime parfaitement ce qu'il veut dire dans les mots.
Le chant français a donc un charme particulier pour moi. La beauté de la ligne mélodique accompagnée d'une harmonisation étonnante et très raffinée, les belles voix, l'inspiration transcendante qui transpire de chaque note et de chaque mot m'ont fasciné.
Je dois dire qu'elle ne me semble pas seulement se dérouler dans une atmosphère a-temporelle, mais aussi a-dimensionnelle : elle ne semble pas se dérouler en un lieu, mais dans une autre dimension.
Eric Breton a réussi à transcender la dimension de la réalité, en créant une dimension parallèle, elle-même parallèle à la dimension spirituelle. Cela rend cette œuvre unique, absolument hors du commun et très proche de la musique sacrée, peut-être plus proche de la musique sacrée que de la pièce de théâtre.
Je crois que, si l'un de ces bureaucrates qui dirigent les théâtres parvient à comprendre ce que je dis, la mise en scène devra être des plus raffinées, confiée à un metteur en scène brillant, avec des jeux de lumière plutôt que des scènes. Et, sur scène, des personnages que, je n'identifie pas, à l’écoute, comme des "moines" ou des "servantes" ou des "villageois", mais comme des figures déjà elles-mêmes éthérées, pas de ce monde. De plus, la mère, la jeune fille, les trois femmes, les chœurs, appartiennent bel et bien à une troisième dimension : le Divin est tout proche d'eux.
Que dire de plus ? Les compliments seraient rhétoriques. C'est un joyau : il faut le confier à des mains sûres. Avec les imbéciles et les ignares qui dirigent les théâtres et les metteurs en scène qui circulent de nos jours, il ne faudra pas qu'il soit mal représenté ou alourdi : cet opéra courrait le risque de ne pas être compris.
Je lui souhaite de trouver quelqu'un qui, pour une fois, décide de ne pas se plier, pour remplir le théâtre, aux goûts d'un public qui ne comprend presque rien parce qu'il a été formé à ça par ceux qui sont au sommet des maisons d’opéra. Je lui souhaite de trouver quelqu'un qui ait le courage de mettre en scène ou de faire jouer comme oratorio un opéra comme celui-ci, qui est absolument de niche, pour les connaisseurs.